vendredi 8 mars 2013

"Afrique du Sud, terre de contraste" (M2H)

          Jeudi, nous avons fait un grand tour des townships du Cap avec Etienne, ma directrice de mémoire et une prof française. L'idée était de nous faire prendre conscience de l'énorme contraste entre le centre-ville cossu niché sur la plaine littorale au pied des montagnes, et l'immensité des Cape Flats de l'autre côté de Table Mountain, où la vie est nettement moins riante (une jolie carte pour vous repérer). Nous n'avons pas été déçus du voyage...

          Notre périple commence sur la N2, direction Langa, juste à côté de Bonteheuwel que vous connaissez déjà. Signalons au passage l'excellence du travail fait par les équipes des ponts et chaussées sud-africains : les routes sont nickel, bravo les gars. Langa est le plus ancien des townships du Cap, puisqu'il date de 1927, avant même le début de l'Apartheid (1948-1994, pour rappel). Pour aller très vite, on parquait les gens dans les townships selon leur "race" afin que les blancs résident au centre et les autres en périphérie. Les noirs et les colored/métis n'étant tolérés en ville que pour y travailler au service des blancs, pas pour profiter de la vue ou faire des emplettes chez Dior avec leurs salaires que vous imaginez colossaux.

Un hostel de Langa
          Langa était donc un township "noir". Nous ne nous sommes pas tellement arrêtés dans la partie "familles" du quartier. Depuis le temps, les gens ont eu le temps de s'installer un peu mieux. Imaginez de longs alignements de petites maisons de plain-pied, avec parfois un petit mur de clôture, un jardinet, voire une place pour une éventuelle voiture (les plus chics ont même un garage). Bref, un habitant de township n'est pas forcément pauvre, et un township n'est pas nécessairement un bidonville. Certains vous ont l'air de lotissements pavillonnaires modestes, pour tout dire. Il y existe aussi des bâtiments collectifs pour entasser loger les travailleurs dits célibataires, puisqu'après tout ces braves gens n'avaient d'intérêt que leur force de travail, les blancs ne tenaient pas à ce qu'ils commencent à ramener toute la smala pour s'installer durablement. Ces belles bâtisses qui font honneur à l'architecture sud-africaine portent le doux nom d'hostels, et sont des lieux chaleureux et conviviaux, jugez vous-mêmes.

Chèvres, décharge sauvage et habitat social
          Après cela, direction Gugulethu, autre vaste township au sud-est. Celui-là est un peu plus connu, voire touristique. Après avoir passé la voie ferrée (qui sépare commodément les quartiers entre eux), l'ambiance change quelque peu. Le cheval, plus belle conquête de l'Homme, y côtoie la chèvre, chère surtout à Monsieur Seguin. Derrière les chèvres de la photo, un terrain vague se transforme en beau quartier d'habitat social. Les clapiers charmants cottages en arrière-plan, qui doivent bien taper dans les 28,7 m² (loi Carrez), accueilleront bientôt des familles, dont on espère que les membres ne seront quand même pas trop costauds, rapport au risque d'asphyxie. Mais Gugulethu, c'est aussi Mzoli's, où même les moins téméraires des habitants du centre consentent à aller pour faire un barbec' (ou braai, pour mes plus fidèles lecteurs) le week-end. Un haut-lieu de mixité, en somme, quoique l'ambiance semble assez masculine tout de même. Reportage prévu, je vous raconterai ça. Inutile de préciser que l'éminent monsieur Mzoli est un entrepreneur soucieux de la légalité, et que son encadrement de la population est ferme, mais poli, et se passe d'hommes de main. C'est aussi lui qui est à l'origine du centre-commercial du patelin. Pas de photo : prenez votre voiture, faites dix minutes d'autoroute, et vous aurez le même à deux pas de chez vous. Comme quoi, je vous disais que tous les townships n'avaient pas nécessairement des allures de bidonvilles !


Façades de Nyanga
Divertissement assuré à Nyanga
          Après "Gugs" (so local !), nous avons traversé Nyanga. Le bled a son charme, mais il est plus discret, le charme. Il n'y a encore pas si longtemps, Nyanga était la capitale sud-africaine du meurtre. La compétition étant rude en ce domaine, un outsider lui a ravi le titre dernièrement. Mais on peut compter sur l'équipe locale pour rebondir, elle reste clairement en première division. Bref, nous ne nous sommes pas arrêtés pour tailler le bout de gras. Quelques photos tout de même, qui donnent une idée des façades visibles depuis la rue. On sent tout de suite que le matériau est, pour ainsi dire, un peu moins noble. Le résultat n'est pas forcément inesthétique (j'aime bien la petite blanche), mais en ce qui concerne les conditions de vie, c'est moins funky. Il faut aussi prendre conscience que peu de choses sont visibles depuis la rue dans ce genre de quartiers : l'essentiel se fait à pied au milieu des maisons auto-construites. Vous m'excuserez de n'avoir pas poussé "the township experience" jusque là. Une dernière pour la route de Nyanga, ou plutôt juste avant Nyanga : le cimetière avec un squatters' camp en arrière-plan (qui est lui illégal et franchement bidonvillesque, contrairement au township). Là on dirait pas, mais le cimetière est vraiment immense, merci le SIDA.

          Nous avons ensuite pris la route de Mitchell's Plain, vers le sud. Ambiance tristounette, globalement, avec pas mal de constructions tournant le dos à la route et des centres commerciaux pour seuls lieux de sociabilité. Au moins, une partie de Mitchell's Plain semble être en train de s'enrichir, au vu des améliorations apportées aux maisons et aux constructions en cours (encore un centre commercial, et même un hôpital).

          Dernière étape du tour des townships : le très grand Khayelitsha (ou Khaya) et ses centaines de milliers d'habitants. Je vous gratifie ici d'une photo panoramique à la valeur informative forte. Outre sa qualité artistique évidente, remarquez la nature sableuse du sol. Cela ne se voit pas partout, mais les Cape Flats sont en fait une vaste plaine sableuse, voire franchement marécageuse jadis. Autant dire que les premiers habitants "relogés" ici n'ont pas dû se marrer beaucoup (m'enfin c'est bien pour ça qu'on les a mis là : ils ne gênaient personne). Il paraît que le sable est une plaie pour les ménagères, notamment.
Au risque de m'avancer un peu, ça m'a l'air d'être LE township qui bouge. Ne serait-ce que par sa taille, c'est celui dont en entend le plus parler par ici. C'est un peu un front d'urbanisation pour le Cap. Il y a là plus de mouvement de population comparé aux autres townships qui, pour la plupart, commencent doucement à se densifier et à être mieux établis. Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre. Après tout, moi je travaille sur le front de mer d'un quartier chicos du centre-ville, je suis pas omniscient, hein.


Domaine viticole Spier
          Pour le repas de midi, nous nous sommes arrêtés dans un genre de très vieux domaine viticole (1690's), touristifié en mode château du Médoc, avec le restaurant, l'hôtel de charme... et le pinard, car il faut bien un produit d'appel. Spier de son petit nom. Et là, c'est le grand écart dans la tête. Une maison type match box (boîte d'allumettes) de township occupe à peu près lu tiers de la taille des toilettes pour hommes, et sans l'eau courante, l'électricité ni la clim, en général. Ambiance jazzy, piano à queue, terrasse tranquiloute, piscines... Et les seuls non-blancs sont bien sûr serveurs, ouvriers agricoles, ou agents de sécurité (bon, c'est vrai en ville aussi, mais je force le trait pour vous édifier). Le petit montage vous montre tout ça en images. Pour note, la cloche servait à l'époque à rameuter les esclaves éparpillés dans les vignes, on comprend que les maîtres du domaines la mettent en valeur avec fierté aujourd'hui encore ! Nous mangeâmes et bûmes très correctement, un grand merci encore à nos guides pour l'invitation. Mais après avoir eu un aperçu de l'histoire de l'esclavage au Cap à la Slave Lodge, on ne peut s'empêcher de ressentir comme un malaise à profiter d'installations qui trouvent leur origine assez directe dans l'exploitation d'esclaves un bon gros siècle durant au moins.

          Nous sommes rentrés par le nord de la ville, via Durbanville et les gated communities des banlieues de classes moyennes à aisées, blanches et plutôt afrikaner (car il y a aussi une minorité blanche d'origine britannique). Autant le dire, c'est cheum et triste à souhait, tous les lotissements ou presque sont ceinturés de murs parfois très hauts et généralement électrifiés, avec un check-point gardé à l'entrée. Ambiance repli identitaire paranoïaque. Enfin je critique pas, j'imagine que beaucoup de ces gens s'installent où ils peuvent et que l'essentiel de la promotion immobilière se fait sous cette forme. Du coup, difficile de vous en donner un aperçu, mais le pano suivant rend bien l'ambiance pour le moins morne du truc.

        En conclusion, la journée fut longue et instructive, sans aucun doute. Et nous avions définitivement besoin de nous sortir un peu du carcan confortable de Sea Point. Vivre dans un quartier tranquille à quatre cent mètres du Ritz local nous fait parfois oublier la réalité à laquelle sont confrontés 90 % des habitants de Cape Town....

          Au prochain épisode, vous en apprendrez plus sur Sea Point, justement. A bientôt, little monsters ! (spéciale dédicace à Guillaume Têteblanche ;-))

2 commentaires:

  1. Les photos en plus grand petit radin !
    merci pour ce petit récit sinon ^^
    le poutou
    caro

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  2. Tu peux cliquer sur les photos pour les agrandir! Rien à redire Jef, ton ironie n'a d'égal que la perspicacité de ton jugement..
    Bisous, reviens nous entier et bien bronzé!
    Pauline

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