jeudi 28 février 2013

     Aujourd'hui, visite de township avec un doctorant de l'University of Cape Town (UCT), Ismail Farouk. La première partie de l'aventure a consisté à se rendre au point de rendez-vous. En effet, l'UCT comporte une foultitude de campus répartis de par la ville. Bien sûr, Upper Campus se trouve :
  1. Loin de Sea Point
  2. Sur les dernières hauteurs bâties au pied de la montagne (ce qui ne fait pas TRES haut, tout en n'en facilitant pas l'accès)
     Il a donc fallu prendre deux taxis mini-bus (article à venir) pour y aller. Autant le premier était sur la ligne habituelle Sea Point / Centre-ville, autant le deuxième... Il a fallu le trouver sur un genre de grande esplanade jouxtant la gare, un marché permanent peu amène et le Civic centre; esplanade, donc, qui fait office de gare routière. Une fois trouvé, nous n'avons pas été déçus du voyage : entassés à une vingtaine dans un minibus vieux modèle, le chauffeur à la veste Manchester United est parti en trombe vers le sud-est, slalomant entre les (files de) voitures, se garant hardiment à moitié sur la chaussée, klaxonnant à qui mieux-mieux... Entendons-nous : tous le font, mais là, on est tombés sur un champion. Je vous épargne l'évocation de l'odeur de friture de ma voisine aux formes généreuses autant qu'encombrantes.

     Arrivés à UCT, après avoir erré sur deux campus avant de trouver le bon, on se retrouve en bas de l'escalier d'accès monumental, qui débouche sur une vaste entrée à colonnade néo-classique bon teint. Fat musique électro pourvue par un camion Red Bull, étudiants sud-afs (mais plutôt blancs) de partout sur les marches en mode casket/tong/short baggy, c'est bien simple, on se serait crus dans un épisode de Dawson style "Premier jour à la fac".

     Bon, cette introduction commence à tirer en longueur : le but de l'expédition était de retrouver la vingtaine d'élus inscrits auprès d'Ismail pour découvrir le township de Bonteheuwel. Après une quinzaine de minutes de car (qui représentent un obstacle nettement plus embêtant pour les gens qui vivent là, et qui auraient l'idée saugrenue de se rendre en centre-ville ou sur une célébrissime promenade que vous allez être amenés à connaître), nous nous sommes retrouvés sur une place assez triste, en compagnie d'un "art-ctivist" local, Ferdinand Van Tura. Comprendre ni artiste, ni activiste, mais néanmoins musicien ET porteur de projets d'intérêt social.

     Nous avons appris un certain nombre de choses, comme le fait que les ancêtres Xhosa/autochtones du type, qui est lui-même un genre de métis, ont repoussé les colons européens pendant des centaines d'années avant d'ACCEPTER leur présence pour limiter la casse point de vue karma de l'humanité. Bon, le type n'est pas historien. Mais cela lui a permis de nous expliquer la cosmogonie xhosa. L'humanité aurait régné sur la galaxie pendant fort longtemps, en tant qu'espèce intelligente supérieure (on aurait été faits à l'image du Créateur, le truc habituel). Forts de notre supériorité, nous aurions eu quelque peu tendance à massacrouiller les autres espèces, qui auraient fini par se liguer contre nous et nous jeter hors du Paradis. Paradis qui se trouve dans la constellation d'Orion, ce qui est toujours bon à savoir. L'humanité aurait atterri quelque part vers Cape Town (je me renseignerai), avant d'essaimer de par le monde. A ce stade, notre seule façon de retourner au Paradis serait de se racheter collectivement, le genre de portail vers le Paradis ne s'activant pas pour un péquin à la fois. Les implications morales de ce mythe ne sont pas sans rappeler le concept d'ubuntu, qui veut que chacun d'entre nous soit lié à l'humanité entière etc. Bref, je ne vous cache pas que j'ai quand même été surpris de me retrouver à écouter ce discours imaginatif, digne des plus grands esprits de notre temps, sur la place désaffectée d'un township sud-africain.

     La partie moins amusante est, bien sûr, que Ferdi est, encore aujourd'hui, victime de harcèlement policier régulier (après avoir été franchement séquestré et battu par les forces de l'ordre dans son jeune temps), qu'il a été complètement camé et alcoolique à une époque, à deux doigts du suicide, membre d'un gang... avant de devenir l'homme que vous rencontrâtes au paragraphe précédent.

      Au milieu de tout ça, on a vu très peu de Bonteheuwel, si ce n'est la place du marché informel et le chemin jusqu'à la maison de Ferdi. Un honnête marchand nous a d'ailleurs fait part de sa vision de la communauté et des améliorations à apporter au voisinage, "qui-sont-d'intérêt-communautaire-mais-qui-fortuitement-recoupent-parfaitement-l'intérêt-de-mon-business". Nous avons également rencontré une jeune fille assez marrante qui nous a suivi pendant toute la visite, s'est présentée à tout le monde et a bien discuté avec nous dès son premier mouvement de timidité passé. Là encore, la partie moins funky pour le citoyen du monde égalitariste que je suis a été le passage où elle nous a expliqué qu'elle préférait les blancs parce qu'eux, au moins, utilisaient leur cerveau, et parce qu'ils étaient plus propres. Si jamais elle devait avoir des enfants d'un blanc, elle espère que son sang serait assez fort pour l'emporter sur le sien et que les mômes tiennent plus de leur père que de leur mère... Pour vous dire ma surprise, j'avais d'abord compris qu'elle aimait les blancs car ils faisaient des braais (le nom afrikaner du barbecue), non parce qu'ils utilisaient leur brains (cerveau). Ambiance décalage culturel abyssal.

     Le tout s'est achevé par une chanson à la guitare d'un copain de Ferdi, Colin, dont c'était une composition originale et de belle qualité musicale. Cela aura également été l'occasion de sympathiser avec un anthropologue sud-af, Johnny, ainsi qu'avec Andrew, plus ou moins urbaniste et tout à fait étatsunien. Ce qui n'est pas le moindre des mérites de cette instructive sortie.

     PS : désolé pour le manque cruel de photos personnelles, je n'avais pas sur moi mon appareil. A charge de revanche pour vous, my little monsters ! 

1 commentaire:

  1. Je vais suivre tes aventures avec passions et curiosité mon petit JEF, par contre il faudra bien évidemment que tu aille mené l’enquête sur le rugby sud-af (Invictus style) pour attiser ma jalousie. Tes récits de tous les jours le feront sans nul doute de toute manière, être sur place n'a rien à voir avec être un foutu français/anglais loqué dans son canapé devant ARTE (même si c’est un début...)

    Bonne route à toi my friend, puisse tu ne pas croiser les fameuses mâchoires de JAWs un jour de baignade.

    PS : Got to hell with your "my little monsters". Who do you think you are ?? Lady GAGA ?

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